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Réflexions sur l’immersion - de la généralité et de l’expérience

  • Photo du rédacteur:  Philippe Festou
    Philippe Festou
  • 31 juil.
  • 13 min de lecture

Idées de l’immersion


Si l’origine de la « performance » comme acte artistique nous vient de la fin des années 60-70 avec des mouvements tels Fluxus, l’idée forte au travers de l’acte performatif demeure celle d’établir une continuité entre la question même de l’art et celle de nos quotidiens, à moins qu’il s’agisse plutôt d’en gommer les frontières ou encore de permettre une ligne poreuse entre ce qui est de l’ordre du réel et ce qui est la proposition artistique comme transposition des imaginaires et ouvertures de consciences ; j’ai bien conscience du caractère utopique de l’acte.

Cette idée menée par les performeurs de l’époque n’était pas nouvelle, elle s’inscrivait déjà dans la philosophie de l’art nouveau souhaitant ainsi proposer ce qui « faisait œuvre » dans un accès à tous, une démocratisation de l'art ; l’idée était qu’il ne soit pas dissociable de la vie même, qu’il retrouve sa fonction, son utilité primordiale et qu’il ne soit pas objet uniquement de plaisir et de représentation divertissante.

De Joseph Beuys à Marina Abramowicz, il y a donc là un aspect politique dans le meilleur sens du terme et la pratique performative en général. Elle est la continuation depuis le symbolisme, en passant par l’art nouveau, le mouvement dada, le surréalisme puis encore les ready made de Duchamp d’une pensée qui nous invite à reconsidérer la fonction première de l’art.

Il s’agit de reconsidérer la nécessité intrinsèque à la nature humaine depuis les premières expériences multimédias alliant lumières, sons, peintures, théâtralité dans celle des cavernes, de pouvoir rouvrir comme dans l’Orphée de Cocteau, des portes au delà du miroir matériel sinon matérialiste en renouant avec les symboles comme voie d’entrée vers une connaissance profonde de nos natures humaines et spirituelles.

Et du mythe de la caverne de Platon, il n’y a qu’un pas en voyant ici l’allégorie de cette caverne d’ombres, c’est à dire que la réalité pourrait même se situer en dehors du champ habituel du quotidien, lui-même battit d’illusions ; le spectacle immersif serait une opportunité pour franchir le voile dans une approche qui deviendrait alors une vraie question d’ordre spirituel.

Le rapport direct avec le public, la recherche de non-séparation aura pris diverses formes, le happening ou les installations dans les musées où le public peut déambuler à sa guise, entrer et sortir du processus en cours en sont une tandis que l’art numérique plus qu’un simple outil, devient un moyen révolutionnaire pour repousser encore plus loin que le réel des espaces visuels, sonores, temporels et physiques et permettre les franchissements de frontières oscillant entre subjectivités mentales et physiques.

Au-delà des possibilités d’extensions du réel que permet l’art numérique en prenant des médias variés (sons électroniques et plus largement fixés, art vidéos, réseau internet, mapping…), les connaissances de plus en plus affinées de nos capacités cérébrales, les pratiques telles l’hypnose et les techniques proches permettant des états modifiés de conscience ont nourri des pratiques artistiques utilisant le numérique à des fins d’ouvertures d’imaginaires, d’accès à des connaissances (de soi-même, des autres et du monde), en jouant de l’élargissement des perceptions, repoussant ainsi des limites que les formes d’art et les représentations traditionnelles n’arrivaient plus à combler.

De plus, le numérique a permis encore plus que le seul happening et la possibilité du « regardeur » de réaliser (au sens étymologique du terme) son propre tableau et pour reprendre la pensée de Duchamp, de donner la capacité interactive à celui qui n’est plus seulement un spectateur mais un être agissant et donc, un être qui saisit la limite mouvante en lui de ses capacités d’action au monde.

C’est dans cette pensée que j’ai inscrit depuis de nombreuses années les réflexions qui m‘ont amené a élaborer le principe de kairotopie, à la fois dans les pratiques instrumentales, les spectacles performatifs et le travail d’interaction avec la danse, le théâtre et bien sûr la création - qu’il s’agisse de synthèse sonore, de musique concrète et instrumentale, de réalisation de film - mais aussi de pratiques permettant de comprendre les processus mis en jeu pour capter l’attention (comme la musicothérapie que j’ai pratiquée pour des bébés ou des personnes atteintes des troubles d’Alzheimer par exemple), mais j’y ajouterais aussi la pratique du Zen et l’intérêt que je porte à la spiritualité en général.

Le passage d’un monde objectivé, du « réel » dans l’idiome psychanalytique vers l’imaginaire devient tout l’enjeu de l’art, une fonction et une technique de l’art numérique. Mais il n’en est pas moins dénué d’éthique,  et de l’ouverture de consciences à la manipulation des esprits il ne pourrait y avoir qu’un pas…

Ainsi, pour opérer ce processus, l’artiste doit entretenir une vive réflexion. Si beaucoup d'installations entretiennent une ambiguïté entre le réel et le virtuel ; certains pourraient être amenés à dénoncer cette ambiguïté dangereuse au nom d'une certaine dangerosité. Mais cette ambiguïté, la délicatesse ou le trouble de ce passage n'est-il pas le principe même de l’art depuis ses origines ?

Kant fait une distinction entre tromperie et illusion ; c’est à dire que l’immersion  comme l’illusion n’empêche n’est pas empêchée par la conscience de distinguer une frontière entre deux mondes. L’immersion est donc plus proche de l’illusion que de la tromperie.


« …Si le coauteur n'ai pas conduit habilement - et c'est là un art - à entrer dans le jeu avec toute la conscience et la disponibilité que l'expérience exige pour « faire art », il ne fera que remplir les vides laissés par l’auteur. Il est évident qu'une telle attitude ne s’acquiert pas du jour au lendemain et qu'une éducation progressive du public est nécessaire. » L’art Numérique  - Hilaire et Couchot.


Pour amener le public dans une situation immersive, le média artistique influe sur le jeu des sens.

J’ai pu, dans beaucoup de propositions artistiques variées, adapter les principes ; en effet il ne sont pas similaires lorsque la proposition vidéo est accompagnée de musique et lorsque un aspect chorégraphique peut interférer avec le public.

Ainsi, chaque art va utiliser ses médias perceptifs propres.


Pour Etienne Amato il y a deux types d’immersion :

Une immersion « contemplative » qui est souvent la conséquence d’une narration et une immersion « participative ».

Dans « Boussole » avec la compagnie de danse Meaari, projet dans lequel j’étais impliqué de façon sonore, le public était invité avant même l’entrée dans la salle de spectacle à télécharger une application sur son téléphone ; les mots et les sons entendus utilisaient des procédés d’hypnose afin de mettre les personnes que nous avions coutume d’appeler « on-lookers » dans un état de réceptivité optimal.

Le « on-looker » se laisse porter par une narration, il y a par le principe hypnotique ou méditation une section « régressive » qui invite à positionner le public dans des « cocons individuels ».

Mais le corps qui-même des danseuses sortait régulièrement du spectacle (qui n’était d’ailleurs pas frontal et qui invitait les personnes à interagir, parfois de façon très simple, en se déplaçant pour effectuer l’action proposée) ; le spectacle sortait de sa fonction représentative et devenait une réalité comme chez Chez Pina Bausch, où les danseurs se mettaient subitement à faire étalage de leur vie intime et de leurs difficultés de danseur ; ainsi du spectacle à la revendication, le filtre était flou.

Lorsque le public est partie prenante de l’action, c’est à dire qu’il va interagir de façon physique (car on peut considérer qu’une attention portée de façon consciente est un mode actif), pour Jean-Louis Weissberg, il s’agit d’une oeuvre participative et il nomme d’ailleurs la personne du public « SpectaCteur », mot valise tout à fait à propos que je retiens volontiers.

Si ce que nous appelons classiquement « immersion » signifie pénétrer un monde d’action et de perception modifié et nouveau, rendu possible par un dispositif technique, on peut distinguer cependant plusieurs types d’immersions.

L’immersion contemplative chez Gordon Calleja (« In game, from immersion to incorporation ») se distingue en deux modes : une immersion comme transport (nous transposant mentalement dans un espace différent) et une immersion comme absorption (nous impliquant avec toute notre attention dans le lieu en présence).

De mon côté, tout en ne perdant pas de vue ces deux principes fort justes je préfère nommer le premier « focalisation »  et le second « espace étendu ».


Lorsqu’on se trouve en situation immersive, on peut se poser la question de la partie consciente ou inconsciente qui est impliquée dans ce processus : la notion d’immersion n’est jamais totale et elle est un curseur jouant des parties objectivées, de notre présence consciente vers un état qui nous déplace dans un espace physique et temporel différent (soit par l’absorption mentale, l’imagination et l’état intérieur que provoque un son par exemple avec les médias invisibles du son, soit par le visuel, prolongation tangible de l’imaginaire, soit par l’action et l’interaction proposés dans cet imaginaire (fiction et virtualité) ou encore dans une situation « qui nous sort » du spectacle et nous plonge de plein pied dans le réel du quotidien et de l’action.

En ce qui concerne l’immersion, pour Bernard Guelton, il s'agit en premier lieu d’information : « Plus l’information est nouvelle, plus elle est susceptible de retenir l'attention du sujet et dans certaines conditions de provoquer une situation immersive ». (Figures de l'immersion).

Une immersion réelle est une forte implication dans une émotion, une situation urbaine réelle, un paysage réel.

Dans les années 90, l’art numérique a permis avec les techniques et les systèmes de RV des installations complexes qui permettaient de plonger dans des environnements singuliers pour transposer le « SpectaCteur », à l’aide de capteurs de mouvements dans une réalité celle-ci, virtuelle.

C’est grâce à ce type d'installation que la personne peut accéder à une immersion tridimensionnelle visuelle et sonore (par la spatialisation des haut-parleurs).

Cependant, il faut préciser que la sensation intense de réalité n'est pas liée exclusivement à l’immersion : beaucoup de dispositifs semblent la provoquer sans obligatoirement plonger le « SpeCtateur » dans l’image : certains système stimulent la perception kinesthésique sans produire d'images ou certains mouvements peuvent être traduits en jets sonores qui sont ensuite joués de façon spatiales grâce à des interfaces midi.

Une immersion fictionnelle ou virtuelle contient des artefacts créant une réalité autre, elle tend à dissocier le conscient du processus d’immersion ; en ce sens, le sujet sait qu’il y a narration. Ce type immersif s’oppose à une immersion « en tension » comme nous la retrouvons dans le jeu vidéo où le sujet est dans une confrontation avec l’action proposée ; le cinéma, avec sa nature narrative, est une immersion fictionnelle mais il est multiple dans ses approches, la fiction tend à se dissoudre lorsque la caméra est pensée comme un prolongement de l’œil du sujet qui joue des rapports entre le vu et le potentiellement observable, alors cela devient une immersion en tension ; j’ai une affection particulière à ce propos avec le cinéma d’Alain Cavalier ; le film « Pater » entretient magistralement l’ambiguïté entre réalité et fiction ; les moyens techniques mis en place vont des principes de cadrages qui donnent à « ressentir le filmeur »  sinon à s’identifier à lui mais la narration et le scénario volontairement ambigus nous associent et nous dissocient en permanence d’une potentielle réalité documentaire ou d’une fiction à part entière ; cette posture artistique a beaucoup influencé mes propres réalisations de films (Places, Axis Mundi et Silenzio).

S’il y a des immersions continues ou « coupées » comme au cinéma, celui-ci, par son caractère narratif et la relation son/image, permet de rapprocher le « SpectaCteur » ou de le distancier (l’analyse des unités sémiotiques temporelles que nous avions entreprise au laboratoire de Musique et d’informatique de Marseille le démontrait, j’y reviendrai plus tard…)

Le film: « le scaphandre et le papillon » (autobiographie de Jean-Dominique Bauby, film réalisé par Julian Scnabel), nous propose une immersion continue (narrative et visuelle) puisque nous devenons le personnage du film  (la caméra est son oeil) sans pour autant avoir la capacité d’interagir avec la narration puisqu’il s’agit d’un film de cinéma.

Enfin lors d’une immersion virtuelle : la dissociation est floue ou mince (c’est le cas des simulateurs de vol par exemple). Mais celle-ci ne plonge jamais le sujet à 100% dans sa virtualité car elle en deviendrait alors une réalité à part entière.



L’écart immersif


L’immersion tente donc de minimiser la frontière entre présentation et représentation.

Ainsi, c’est donner la possibilité à chacun d’y entrer et d’en sortir à souhait. Pour passer d’un monde ou d’un état à l’autre, il faut alors que le « code » proposé soit clair pour le participant car plus les codes de l’immersion sont aisés, plus l’immersion est de bonne qualité. Et nous pouvons dire que pour permettre un état immersif il n’est donc pas nécéssaire de créer une tromperie mais de permettre des perceptions modifiées.

Ainsi, « L’écart immersif » contient les éléments entre la partie « prolongée » (monde proposé de l’immersion) et le réel : distance entre réalité-fiction/imaginaire/absorption.


« Ce que nous voyons ce sont des conventions interposées entre l’objet et nous ; ce que nous voyons, ce sont des signes conventions qui nous permettent de reconnaître l’objet et de le distinguer pratiquement d’un autre, pour la commodité de la vie ». Henri Bergson

Ainsi un outil (comme un joystick dans le cas des jeux vidéos mais aussi des autres interfaces, des écouteurs, lunettes spéciales etc.) participent à changer signes et conventions.

Il semble que l’immersion est plus importante lorsque le sujet a une capacité d’action sur ce qui est proposé, à ce moment-là il adapte et modifie ses perceptions. Cela ne manque pas de faire penser à la théorie de la robustesse du biologiste et philosophe Capacité Olivier Hamant (« Antidote au culte de la performance - La robustesse du vivant  » (ed. Gallimard) ; c’est à dire que l’adaptabilité à une ou des situations variées nous permet de trouver les ressources les plus fortes aux possibilités de modification de nos systèmes cognitifs personnels.

Ainsi, lorsqu’on commence grâce aux codes ou aux conventions proposées à changer les associations relatives aux objets perçus dans une réalité, notre capacité d’immersion est plus grande car nous avons ouvert un potentiel d’adaptabilité plus large.

Par opposition, nous pouvons dire que plus les croyances sur les associations nom/objet sont figées, plus la capacité d’immersion est difficile. L’artiste qui souhaite plonger une audience dans une forme immersive a fait donc des choix éthiques.


« L’expérience de l’immersion n’est pas tant l’expérience d’un monde que l’expérience d’une rencontre entre deux mondes ». Bruno Trentini - Figures de l'immersion.


Si de mon point de vue il y a grand intérêt à ne pas gommer complètement la frontière entre réalité et « espace étendu » mais plutôt en permettre la porosité à des fins d’usage conscient de son libre arbitre, ces propos de Char Davies me sont particulièrement résonnants :


« Mon but est d'utiliser l'espace virtuel afin d'abolir les frontières entre sujet et objet, intérieur et extérieur, soit et autrui. Ce faisant mon intention est de rafraîchir notre perception d’être, d'exister dans le monde. Je veux re-sensibiliser les participants au fait extraordinaire d’être vivant, sensible et incarnés, ici et maintenant, si brièvement plongés que nous sommes dans le flot de la vie à travers l'espace et le temps ».


Certains phénomènes limitent l’immersion s’ils ne sont pas tout simplement « contre-immersifs ». L’utilisation d’interface ou ce qui fait office d’interface, entendons par là un outil réel ou virtuel qui permet le va et vient entre réalité et monde immersif permet de limiter ces frottements. Mais n’est-ce-pas cette possibilité du sujet d’ouvrir à souhait ces espaces qui est l’intérêt de l’immersion : conscience, ouverture imaginative, liberté d’action ?

Il semble important donc de maintenir un écart immersif grâce à des codes visibles car il permet à chacun d’accéder plus fortement à une capacité réflexive. Emanuel Kant nous dit que c’est de cette façon qu’on peut accéder à une capacité de jugement esthétique.

J’ai toujours trouvé que le moment du « dérushage » de prises de sons était magique, sinon plus que le moment de ma présence effective sur le lieu de l’enregistrement ; au point où je me suis mis à douter de ma capacité à apprécier un moment dans un présent. Mais cette capacité réflexive mettant entre la source et moi l’objet de l’enregistreur ou de l’ordinateur est peut-être la raison de cette sensation…


Si la notion de « frottement » dans les processus d’immersion nous confronte à des objets ou des sons extradiégetiques, c’est à dire des objets qui sont extérieurs au déroulement en présence - c’est le cas dans ce que j’ai pu mettre en place grâce à l’électroacoustique et que j’ai nommé dans ‘Boussole’, « Maja » : il s’agissait dans cette pièce de proposer dans la disposition des 4 enceintes enveloppant le public, des sons entendus à très bas volume qui pouvaient être potentiellement des sons venus de l’extérieur (rues entourant le théâtre). Ainsi le public se prolongeait inconsciemment vers une écoute élargies pour essayer de discerner les choses plus clairement : s’agissait-il d’une illusion auditive, des sons réels de la rue ou de sons faisant partie de ce qui se déroulait en terme de spectacle.

Dans les travaux que nous avons mené au MIM de 2010 à 2014, les analyses des rapports entre le son et l’image en unités sémiotiques temporelles ont ouvert la voix notamment à des possibilités de contrepoints ou de superpositions entre les deux médias ; comparable au principe de polytonalité musicale où certaines œuvres de John Cage usant de superpositions sonores dans l’espace, paraissent tous droits hérités des expériences de Charles Ives (orchestres dont les discours différents se superposent), le rapport du son et de l’image permettent d’ouvrir alternativement et à souhait des espaces en dehors du propos central, ces éléments extradiegétiques agissent comme un prolongement plus ou moins conscient vers des espaces extérieurs au discours ambiant.

Le contrepoint s’appuie sur les éléments précis d’un discours pour en développer un second, la superposition semble plutôt jouer de l’aspect aléatoire des rencontres et synchronicités improbables entre les discours (c’est plutôt une pensée Cagienne).

Cependant, les médias ergodiques qui proposent des possibilités d’interaction, comme cela est le cas pour les jeux vidéo et les médias non ergodiques (cinéma, littérature…) ne peuvent utiliser les mêmes processus et outils permettant d’accéder à des espaces immersifs, l’immersion s’appuyant sur la nature et les moyens utilisés dans la proposition artistique.

Mais si tout l’intérêt pour le « SpectaCteur » est de posséder une clef de sa propre capacité d’adaptabilité d’observation de lui-même, réside dans le fait que cette conscience de liberté potentielle est une porte ouverte à une meilleure connaissance de soi, le temps du sujet à s’adapter ne devrait pas être négligé et donc être relativement conséquent.

Nous pouvons nous poser la question, dans le cas d’une immersion de focalisation, qu’est-ce qui permet cela dans le son.

L’exemple depuis les « musiques d’ameublement » d’Erik Satie pourrait nous donner quelques pistes dans l’idée d’une musique qui n’est pas perçue comme détachée physiquement de celui qui écoute, une musique qui n’est pas représentative :


« Il y a tout de même à réaliser une musique d’ameublement, c’est-à-dire une musique qui ferait partie des bruits ambiants, qui en tiendrait compte. Je la suppose mélodieuse, elle adoucirait le bruit des couteaux et des fourchettes sans les dominer, sans s’imposer. Elle meublerait les silences pesants parfois entre les convives. Elle leur épargnerait les banalités courantes. Elle neutraliserait en même temps les bruits de la rue qui entrent dans le jeu sans discrétion. Ce serait répondre à un besoin. »


Dans leur nature physique, certains aspects du son peuvent aussi avoir un impact direct sur le cerveau : enregistrement binoraux permettant d’être transposé dans un espace extérieur au lieu de la production sonore ou au contraire en utilisant les battements (« déphasages » graduels entre deux hauteurs) à la façon dont le compositeur italien Giacinto Scelsi l’a utilisé ; ce principe créant des états hypnotiques, la synchronisation des ondes cérébrales tendant à se calquer sur les battements reproduisent les ondes alpha, bêta etc…

La kairotopie invite le "SpectaCteur" dans une immersion réelle et ouvre les deux formes : focalisation et espace étendu. Elle peut aisément, grâce au numérique, utiliser les techniques de la réalité augmentée et permettre un prolongement du réel sans s’y substituer ; ainsi réalité augmentée et réalités mixtes sont souvent alternées.


Dans « Instant narrative » (2006-2008) de Dora Garcia, cette oeuvre utilise le principe de narration en plongeant (puisqu’il s’agit d’immersion) le « SpeCtacteur » dans une possibilité interactive malgré lui :

Dans un musée, l’auteure écrit sur un ordinateur les faits et gestes des visiteurs. Ils se rendent compte que ses écrits tel un roman interactif est projeté au mur de la salle.

Se joue alors une dualité individuelle : « jouer le jeu de l’auteur » et interagir ou simplement observer du coin de l’oeil.

Dans Omikuji, créé en 2023, j’ai souhaité également utiliser le texte (volontaire cette fois des personnes du public) mais réintroduis de façon anonyme pour créer un égrégore (conscience et énergie collective) et des interactions improbables en m’appuyant sur les travaux de physicien du temps comme Philippe Guillemant ; d’après ses protocoles permettant de créer des synchronicités, je lui ai envoyé régulièrement les adaptations que j’allais mettre en place dans le cadre de spectacles interactifs.










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