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Photo du rédacteur Philippe Festou

Une attitude en conscience de l'univers sonore.

article du 09/09/2015



Qu’il s’agisse d’écriture (composition) ou d’improvisation, l’acte de proposer du son - Prenons l’expression dans un sens noble - Reste lié à des paramètres variés qui ont évolué au cours du temps et de l’histoire musicale ; ils sont cependant assujettis à des éléments récurrents dans les principes compositionnels mêmes :

Les notions de choix du matériel, la forme, les propriétés acoustiques et la relation à l’auditeur.

La Kairotopie pose des principes.

Il apparaît clair que la notion qui implique ces paramètres peut être mise en évidence dans l’acte de composer ; elle ne va pas « de soi » et demande un positionnement particulier ; « ce plan initial » qui met à jour la relation qui s’établit entre les protagonistes de l’œuvre (public, musiciens, compositeur) ouvre la question de la transmission de la proposition musicale.

La musique entre alors dans une fonction précise et noble ; dans chaque culture ancestrale, la musique tient un rôle particulier dans la vie de la société ; elle n’est pas identique pour les mariages, les enterrements, le départ ou le retour de la chasse, la connexion à des mondes invisibles etc.

Cette fonction s’est clairement estompée dans notre monde occidental reléguant souvent la musique à une unique fonction représentative, ce qu’elle n’était pourtant pas nécessairement dans son écriture et sa fonction primordiale.

Le marché de la musique (le mot mercantilisme convient assez) a semble-t-il entretenu et agrandi ce flou, ajoutant encore à cette perte de repères dont on parle tant.

La musique que l’on propose dans un lieu, quelle que soit l’architecture et la fonction n’est pas séparable de ce lieu. Ces questions sont d’ordres fonctionnels et acoustiques.

Par exemple, un compositeur qui écrit pour l’orgue tient compte nécessairement de la résonance de l’église en rapport avec le jeu précis de l’instrument, il écrit pour tel orgue et pas un autre. Il devrait en être de même lors de l’écriture de chaque œuvre ; en se projetant dans le lieu, où sera jouée l’œuvre, le compositeur établit un lien clair dans son écriture avec celui-ci : quels sont les spécificités architecturales du lieu, comment est disposé le public physiquement et mentalement, le propos est-il en résonance profonde avec l’architecture et avec sa fonction ?

De cette façon, sommes-nous obligés de présenter une œuvre frontale dont les principes sont en partie hérités de la cours de Louis XIV ? Le chef d’orchestre étant obligé de tourner le dos aux musiciens pour faire face au roi ; ce qui aura valu peut-être à Lully un manque de discernement dans ces gestes et de se donner un bon coup de bâton sur le pied pour mourir de la gangrène quelques jours plus tard…

Stockhausen dans « Gruppen » a spatialisé trois orchestres ; ce n’est pas tant pour accentuer le coté spectaculaire que pour travailler directement sur la perception ; plongeant ainsi l’auditeur dans un « bain sonore » et replaçant celui-ci dans un contexte naturel d’écoute binaurale.

La question de la spatialisation a été expérimentée avant cela par Erik Satie avec l’expérience relatée par Darius Milhaud : Satie avait spatialisé trois clarinettes, un trombone et un piano afin de « dissoudre » le son instrumental dans la pièce qui n’était pas précisément un lieu de concert mais un lieu de passage, d´échanges verbaux, de flânerie.

L’étude acoustique et inhérente aux particularités du lieu devrait être également à considérer au cœur de l’écriture.

Mais il est temps de laisser aussi l’auditeur déambuler à sa guise au sein de l’œuvre qui se déroule. Par ses perceptions ainsi changeantes, l’œuvre sera un acte commun.

· Quelle est la différence entre les sons que nous organisons en conscience dans l’écoute et les sons que l’on utilise dans une composition (acousmatique ou autre) ?

Il s’agit dans les deux cas de créer le moment propice à l’écoute. La musique est un moment de temps sonore sélectionné au préalable par le compositeur et reçu en conscience par un ou plusieurs auditeurs.

Le choix du compositeur passe par un premier filtrage, des choix…

La question que le compositeur doit se poser est de savoir qu’est-ce qui permet aux auditeurs d’aborder l’œuvre avec une écoute neuve, renouvelée et renouvelable.

· Quelle est la différence entre un son/bruit et une structure musicale classique et instrumentale (mode, tonalité, structure mélodique et rythmique variée) ?

· Qu’est ce qui permet de les faire cohabiter ?

La question s’est souvent posée et depuis longtemps dans l’utilisation que nous pouvions faire des percussions au sein de l’orchestre ; la cohabitation des instruments à sons déterminés avec ceux à sons indéterminés ouvrait déjà cette réflexion.

Un bruit, un objet sonore disons le au sens Schaefferien du terme, contient sa propre structure. Instrumentalement, le compositeur invente la structure. Il est possible dans les deux cas de la varier afin d’en extraire dans la répétition, l’essence qui permettra à l’auditeur de percevoir finement les caractéristiques.

· De quoi dépendent les choix d’objets sonores pour le compositeur ?

Instrumentaux ou issus du bruit, ils sont puisés dans l’inconscient ; c’est dans l’acte de composer qu’ils permettent à l’auditeur d’être amenés à la conscience.

· Cependant la structure inventée par le compositeur est-elle si différente de l’objet sonore choisi ?

Dans un cas le choix est personnel et conscient dans le second il est extérieur et sa création consciente est subjective. Nous ramenons alors l’objet sonore dans une posture de mise en conscience et dans la création d’un objet instrumental, cela se passe de la même façon car c’est en partie grâce à la répétition que l’esprit humain peut s’emparer de la structure pour l’habiter de sa conscience.

· Doit-on imposer une progression à la pièce, une forme préétablie dont l’enchainement des divers éléments forment une continuité perceptible ou bien doit on considérer une pièce comme un assemblage d’éléments qui interviennent de façon aléatoire ?

Cette question apparaît comme une opposition entre une culture occidentale et une culture asiatique…

La question de la forme est variable selon les esthétiques et les époques mais il convient de dire que l’harmonie conditionne la forme dans une certaine esthétique liée à des époques d’un coté mais le temps (dont les éléments ne constituent pas nécessairement un continuum formel) ou plutôt la perception du temps, conditionne la forme également ; la question du compositeur est de savoir quel est l’élément formel que l’on va utiliser.

· Dans la notion de forme, quel sens le silence peut avoir comme part d’importance dans la pièce ?

Le silence est résonance du son qui l’a précédé, il est intégration ou « digestion ». Il se rapproche de la non action et par là appelle de fait une perception accrue de l’auditeur car l’orientation naturelle de l’esprit est celle de la perception et de l’attente de l’action. Dans cette attente, au delà de la digestion, l’ouïe cherche alors naturellement des sons qui passaient totalement inaperçus jusqu’alors. Luigi Russolo précise : « Après la quatrième ou cinquième répétition, ils [les exécutants] me disaient qu’une fois l’oreille apprivoisée et une fois prise l’habitude au bruit accordé et variable donné par les bruiteurs, dehors, dans la rue, ils se plaisaient grandement à suivre les bruits des tramways, des automobiles ».

Cela rejoint la notion de l’ « endroit » car ces silences laissent apparaître les sons qui sont ceux qui naissent en lieu et place où l’œuvre est jouée ; elle permet de faire cohabiter les structures musicales préétablies avec celles qui s’invitent inopinément. Par l’orientation aiguisée de l’écoute ainsi développée, ces structures ne paraissent plus chaotiques à la conscience mais s’intègrent parfaitement au sein de l’œuvre. Depuis les choix de structures instrumentales du compositeur en passant par la captation des structures de bruits dont nous savons qu’elles existeront dans le futurs (jour de la restitution de l’œuvre) jusqu’à celles des sons qui s’invitent dans le silence, nous accueillons clairement une unique réalité : la notion d’un éternel présent. Ce n’est pas une vue de l’esprit mais bel et bien la réalisation d’une réalité. C’est ce point qui est la résolution de ces paramètres ; la notion de pénétrer et de vivre un présent en continuité dont les ingrédients proviennent de l’existence simultanée de diverses temporalités.

Les objets instrumentaux soumis à variation peuvent être multiples ou bien, un seul objet peut être considéré.

Placer dans le temps des objets variés, sans aucun lien formel définissable, permet à ces objets d’exister et de se déployer dans le temps par la répétition et non en les modelant pour leur imposer une forme générale (et souvent prévisible). Dans sa répétition variée, nous accédons au cœur même de l’objet et ne le voyons pas seulement comme une étape formelle ou une « brique » transitoire au sein de la forme mais comme une cellule vivante renouvelée par l’écoute et la perception.

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